P. CARRÉ, Les avoueries des églises liégeoises, XI
e
-XV
e
siècles, ULg, 2008-2009
droits de l‟avoué, préférèrent prendre rencharge auprès de leurs « chefs de sens »
2453
liégeois.
En 1366, c‟est l‟abbaye de Saint-Laurent qui sollicita l‟intervention des échevins de Liège
face au refus de l‟avoué de Momalle de restituer les droits seigneuriaux concédés à titre viager
à son aïeul par la même abbaye
2454
.
Il nous faut encore mentionner la cour féodale de Liège dont les interventions sont cependant
plus rares dans les contestations liées aux avoueries. En vérité, les deux cas que nous avons
rencontrés se situent en 1351, sous l‟épiscopat d‟Englebert de La Marck. Ils concernent les
avoueries de Herstappe
2455
et de Hodeige
2456
, terres appartenant respectivement aux
collégiales Saint-Jean et Saint-Denis. La cour féodale de Liège constituait une juridiction
subalterne, habilitée pour traiter les différends relatifs aux fiefs mouvant du prince-évêque. Ce
qui était le cas d‟un nombre important d‟avoueries, surtout à cette époque. De ce fait, peut-on
penser que c‟est en tant qu‟hommes de fief de l‟évêque que les fauteurs de troubles ou leurs
propres vassaux (dans le cas de Herstappe) durent comparaître devant la cour. Il est
intéressant de noter qu‟ici encore, l‟intervention épiscopale demeurait essentielle : les
intéressés étaient convoqués directement par lettre du prélat.
5. Règlements à l’amiable et compromis
Avec l‟arbitrage
2457
, nous touchons certainement au procédé juridique le plus fréquemment
appliqué dans les litiges afférant aux avoueries à partir du XIII
e
siècle. Il différait des
jugements rendus par les juges ordinaires et délégués du fait que les sentences arbitrales
n‟étaient pas exécutoires par la voie judiciaire normale. Aussi, tout dépendait de la bonne
volonté des parties. Le choix des arbitres s‟avérait évidemment crucial. Tout d‟abord, un
arbitre se devait de posséder des qualités morales. L‟expérience comptait également, puisqu‟il
semble qu‟un certain nombre d‟arbitres étaient choisis en fonction de leurs compétences, de
leur réputation. Le rôle central de l‟évêque de Liège apparaît une nouvelle fois dans le recours
à l‟arbitrage : il pouvait en effet être désigné comme juge arbitre. Dans ce cas, il nommait des
enquêteurs (inquisitores) chargés d‟étudier les documents, d‟entendre les témoins et de
rédiger un procès verbal. Après quoi ces enquêteurs rendraient leur sentence. Toutefois, en
cas d‟échec, c‟est au prélat que reviendrait la décision finale
2458
. L‟enquête relative aux droits
de l‟avoué de la Cité de Liège (1241)
2459
constitue un bon exemple de cette procédure. De
toute manière, qu‟ils soient délégués par les parties ou par l‟évêque, la tâche des arbitres
consistait essentiellement à mener enquête.
Concernant le nombre et le statut social des arbitres, la situation pouvait s‟avérer fort variable.
Dans les différents litiges impliquant les avoués, leur nombre oscillait généralement entre
2453
On nommait ainsi les justices de première instance qui exerçaient une juridiction de rencharge et d‟appel sur
les cours subalternes.
2454
DARIS, Extraits..., op.cit., p.228-229.
2455
LAHAYE, Ibidem, n°414, p.207.
2456
S. BORMANS, Chartes de St.Denis..., op.cit., n°139, p.123-124. E. MARECHAL, Le village et la paroisse de
Hodeige, op.cit., pièce justificative n°IV, p.366.
2457
M. BOUCHAT, Coup d’œil sur les juridictions médiévales, B.C.R.H., t.156, 1990, p.179 et suivantes ; du
même auteur, La justice privée par arbitrage dans le diocèse de Liège au XIII
e
siècle : les arbitres, Le Moyen
Age, t.95, 1989, p.439-447.
2458
Lorsque le prélat était trop occupé pour rendre personnellement la sentence, il pouvait déléguer ses pouvoirs
à un dignitaire du haut clergé liégeois, tel le grand doyen de Liège comme ce fut le cas lors d‟un litige relatif
impliquant la collégiale Saint-Martin et son avoué d‟Heure-le-Romain (1233). SCHOONBROODT, Ibidem, n°39,
p.12.
2459
CSL, t.1, n°CCCXXXIV, p.412.
