
P. CARRÉ, Les avoueries des églises liégeoises, XI
e
-XV
e
siècles, ULg, 2008-2009
directement par l‟empereur pour résoudre les conflits n‟était pas sans conséquences sur les
relations avec l‟évêque. Le risque était effectivement grand de le vexer. Aussi, pour les autres
églises, la question ne semble pas s‟être posée et l‟évêque resta, tant que sévirent les avoués
exacteurs, leur principal moyen d‟action.
Il est intéressant de souligner que le peu d‟influence de l‟empereur dans les litiges afférents
aux avoueries n‟est pas propre à la principauté de Liège. Ainsi, aux XI
e
et XII
e
siècles, les
nombreux établissements religieux du Namurois furent eux aussi peu enclins à se tourner vers
l‟empire en cas de problèmes avec leurs avoués. Il y eut certes des interventions spontanées
du souverain, c‟est-à-dire qui ne découlaient pas d‟une plainte. Par le biais de diplômes
d‟immunité, de confirmation ou de donation, ce dernier chercha effectivement à intervenir
dans les avoueries. Entre autres exemples, sa décision de confier la protection de Waulsort à
l‟évêque de Liège (1103) au détriment de l‟avoué légitime, le comte de Namur. Toutefois,
dans l‟ensemble, l‟ingérence impériale dans le Namurois se révéla inefficace, disparaissant
après 1155 et ne jouant pas de véritable rôle dans la disparition des avoueries
2434
.
Des similitudes entre la principauté de Liège et le Namurois s‟observent également en matière
d‟intervention pontificale. Dans ces deux régions, celle-ci s‟avère tout aussi rare que le
recours à l‟empereur et sans influence réelle sur l‟évolution des avoueries et encore moins sur
leur disparition. Au sein des avoueries liégeoises, le principal moyen d‟action du pape face
aux avoués exacteurs semble avoir été l‟excommunication. C‟est ce qui se produisit en 1252
pour Henri d‟Attenhoven et ses fils qui furent excommuniés par Innocent IV. C‟est le chapitre
de Saint-Lambert qui notifia aux intéressés la sanction pontificale par le truchement du curé
de Landen. Il s‟agissait avant tout de menacer : Henri et ses fils ne seraient excommuniés que
s‟ils refusaient de réparer les torts qu‟ils avaient causés au chapitre
2435
. A noter que quelques
années plus tard (1258)
2436
, l‟avoué des lieux, Gérard de Jauche, serait lui aussi excommunié
sur décision pontificale.
Les deux occupations successives de Tourinne-la-Chaussée (1139 et 1147) par l‟avoué de
Hesbaye, Eustache de Chiny, trouvèrent également écho jusqu‟à Rome. Il s‟agissait
néanmoins d‟une situation très particulière, puisque Eustache s‟en prenait à l‟abbaye de
Stavelot-Malmédy dont il n‟était pas l‟avoué. Par ailleurs, Wibald de Stavelot ne s‟était pas
contenté d‟agir sur ce seul front car, aussi bien en 1139 qu‟en 1147, il avait dans le même
temps porté plainte devant les évêques Albéron II et Henri de Leez. Toutefois, leur inaction,
en particulier celle d‟Albéron, frère d‟Eustache, devait laisser à la papauté le rôle décisif dans
cette affaire.
Sinon, dans la majorité des cas, l‟influence pontificale se limita essentiellement à la
publication d‟ordonnances fixant les droits et les devoirs des évêques en matière d‟avoueries
(cf. supra). Ce relatif effacement du pape peut a priori surprendre dans la mesure où son
ingérence croissante se ressent dans les affaires de l‟évêché de Liège dès le XII
e
siècle : appui
lors des élections épiscopales, arbitrage dans les conflits opposant chanoines et évêque,
etc
2437
. Dès lors, pourquoi n‟en allait-il pas de même en matière d‟avouerie ? Sans prétendre
apporter une réponse définitive, nous pensons qu‟il faut voir ici l‟influence des mêmes causes
qui incitaient les églises liégeoises à recourir à l‟évêque plutôt qu‟à l‟empereur. Le prélat
2434
P. DEPRE, Disparition et métamorphose de l’avouerie en Namurois, L‟avouerie en Lotharingie..., op.cit.,
p.215-218.
2435
CSL, t.2, n°DVII, p.28.
2436
CSL, t.2, n°DLXII, p.109. Cf. également A. WILKIN, Les biens de Saint-Lambert..., op.cit., p.284, n.1405.
2437
J.-L. KUPPER, Liège et l’Eglise impériale..., op.cit., p.489-493.