
P. CARRÉ, Les avoueries des églises liégeoises, XI
e
-XV
e
siècles, ULg, 2008-2009
antérieur d‟au moins une décennie au récit de Nizon de Saint-Laurent (vers 1139-1150)
83
, sur
lequel Godefroid base ses affirmations.
Les autres hypothèses principales sont elles aussi de nature géographique. Le titre d‟avoué de
Hesbaye pourrait s‟expliquer simplement par le grand nombre de territoires que la cathédrale
Saint-Lambert possédait dans cette région et qui étaient placés sous la protection de notre
avoué. L‟importance qu‟avait la Hesbaye au Moyen Age en fournissant de nombreux
mercenaires pourrait également avoir induit le changement, d‟autant plus que l‟exercice de
l‟avouerie impliquait des attributions militaires non négligeables
84
.
L‟impact de ce changement sur l‟institution de l‟avouerie est tout aussi délicat à mesurer.
Pour Godefroid Kurth, l‟abandon du titre glorieux d‟avoué de Saint-Lambert pour un nom à la
signification restreinte constitue un indice de décadence. L‟avoué de Hesbaye conserve certes
la prééminence en titre, mais, dans la pratique, seuls les avoués locaux exercent véritablement
leurs fonctions. Le rôle de l‟avoué de Hesbaye n‟est plus qu‟honorifique et consiste
essentiellement à porter l‟étendard des milices liégeoises. Quant à l‟étendue de son autorité,
elle est loin de couvrir tout le territoire de la principauté
85
.
Nous pensons que cette analyse mérite quelques précisions. Tout d‟abord, il est important de
souligner que Kurth, qui écrivait au début du XX
e
siècle, n‟a pas eu accès à certaines sources,
publiées par la suite. De ce fait, il situe le changement de titulature bien plus tard, en 1171.
Ensuite, si on ne peut nier la décadence progressive de l‟institution, elle ne sera véritablement
perceptible que durant les deux derniers siècles du Moyen Age, aboutissant à la
transformation de l‟avouerie en simple source de revenus à l‟Epoque moderne. La conclusion
de Kurth nous paraît donc légèrement prématurée, bien que, comme nous le verrons par la
suite, une réduction de l‟étendue des compétences de l‟avoué se manifeste dès les décennies
suivantes. Par ailleurs, comme nous l‟avons vu, rien ne prouve que l‟avoué ait un jour exercé
sa fonction sur l‟ensemble des possessions liégeoises, bien qu‟il ne faille pas l‟exclure. Enfin,
concernant le port de l‟étendard, nous pensons que Kurth a quelque peu sous-estimé son
importance. Il s‟agit, comme nous le verrons bientôt, d‟une composante essentielle de la vie
militaire liégeoise, qui présente également un aspect religieux non négligeable.
D‟une certaine manière, Wiger II fait encore partie de ces « avoués obscurs » des X
e
-XI
e
siècles, puisque nous ignorons pratiquement tout de lui. Il n‟apparaît la plupart du temps que
comme témoin dans différents documents diplomatiques. Tout au plus savons-nous qu‟il n‟eut
probablement pas d‟héritiers mâles. De ce fait, la transmission de la charge va s‟opérer par un
83
Vita Friderici episcopi leodiensis, éd. W. WATTENBACH, MGH, SS, t.12, Stuttgart, 1856, p.502.
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A titre indicatif, nous tenons à signaler une autre théorie, plus ancienne, puisqu‟elle remonte au XIX
e
siècle.
D‟abord formulée par le chanoine DARIS, elle fut reprise par VANDERKINDERE. Selon ces deux historiens, le
comté de Haspinga serait en fait le district de Waremme, qui fut ensuite placé sous la protection de l‟avoué de
Hesbaye. Pour VANDERKINDERE, les comtes de Haspinga auraient résidé au château de Waremme. LECLÈRE,
pensait pour sa part que les avoués de Hesbaye étaient les anciens châtelains de Waremme. Cf. J. DARIS, Le
comté de Haspinga, B.I.A.L., t.5, 1862, p.276 ; L. VANDERKINDERE, La formation des principautés belges au
Moyen Age, t.2, Bruxelles, 1902, p.141. Cf. également C. LECLERE, Le rôle militaire des avoués liégeois,
Mélanges d‟histoire offerts à C. MOELLER, 1914, t.1, p.397. A la lumière des recherches récentes, il convient
d‟infirmer cette hypothèse. D‟une part parce que Waremme ou son district ne correspondaient certainement pas
au comté de Haspinga. En effet, le domaine de Waremme ne fut cédé à l‟Eglise de Liège qu‟en 1078 par
Ermengarde. D‟autre part, nous savons qu‟au plus tard vers 1110, la châtellenie de Waremme se trouvait aux
mains du lignage de Duras et non en celles du comte de Haspinga ou de ses successeurs. Cf. J.L. KUPPER, Mulier
nobilissima..., op.cit. On notera toutefois que l‟avoué Wiger II, dit de Waremme, n‟en était pas moins très
probablement originaire de la région hesbignonne.
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G. KURTH, Notger de Liège, t.1, p.205-206.