
P. CARRÉ, Les avoueries des églises liégeoises, XI
e
-XV
e
siècles, ULg, 2008-2009
Saint-Laurent et l‟on verra ultérieurement qu‟elle concernait encore d‟autres territoires. Le
titre d‟avoué de Saint-Lambert semble donc faire référence à la part la plus prestigieuse Ŕ
mais non à la totalité Ŕ du territoire confié à la protection de l‟avoué.
Le fils de Wiger, Renier I
er
, succède à son père comme avoué à partir de 1055, ce qui prouve
le caractère héréditaire de la charge
54
. C‟est d‟ailleurs de cette manière que l‟office se
transmettra dans la plupart des cas jusqu‟à l‟Epoque moderne
55
. Quant au fils de Renier, il
porte le même prénom que son père et se rencontre dans les sources en tant qu‟avoué de
Saint-Lambert entre 1082 et 1112-1120
56
.
Parmi les documents importants mentionnant Renier II, on citera un diplôme de 1084, par
lequel l‟abbaye de Saint-Jacques lui concède l‟avouerie de Donceel
57
et règle ses droits dans
ce domaine. Il s‟agit en réalité d‟un document faux que les moines ont sans doute fabriqué
suite aux déprédations de l‟avoué héréditaire de l‟abbaye, le comte Arnould de Looz. En
agissant de la sorte, ceux-ci cherchaient à prouver que l‟avoué usurpateur n‟avait aucun droit
sur le domaine en question. Un autre diplôme, en date de 1088, confirme d‟ailleurs que c‟est
bien Arnould et non Renier qui était en charge de l‟avouerie de Donceel
58
.
En 1098, lorsqu‟un dénommé Evrard concède à l‟hospice de Flône
59
les biens qu‟il possédait
à Rosoux
60
, la donation s‟opère per manum advocati Reineri. Il apparaît donc que l‟avoué de
Saint-Lambert assurait également la protection de l‟abbaye de Flône. Un document postérieur,
daté de 1102 et faisant état d‟une autre donation
61
, nous le confirme. Renier y est
effectivement intitulé avoué de l‟église de Flône et figure parmi les témoins
62
. Il n‟est pas
impossible que cette situation trouve ses origines dans la fondation même de l‟abbaye. Ainsi,
comme l‟a fait remarquer C. Godefroid, Flône fut fondée par trois laïcs, Raoul, Folcuin et
Lambert, tous originaires de Hesbaye
63
, une région où notre avoué exercera plus tard Ŕ et
exerce sans doute déjà Ŕ une influence considérable
64
.
Deux citations, datant respectivement de 1101 et 1120, s‟avèrent fort intéressantes en ce qui
concerne la fonction militaire de l‟avoué de Saint-Lambert. Dans la première, un diplôme du
roi Henri IV
65
, Renier figure dans la rubrique relative aux milices liégeoises (Leodiensis
militia), laissant soupçonner un rôle dans ce domaine, même s‟il semble encore prématuré
d‟évoquer un commandement, qui ne sera attesté avec certitude que quarante ans plus tard.
Quant à la deuxième citation, dans les Gesta abbatum Trudonensium, elle constitue la preuve
la plus ancienne de l‟existence de la bannière de Saint-Lambert, que Renier est chargé de
54
Analectes pour servir à l’histoire ecclésiastique de la Belgique, t.2, LouvainŔBruxelles, 1865, p.6. Renier y est
mentionné en compagnie de son frère, Libert Ŕ G. KURTH, Notger de Liège, t.1, Paris-Bruxelles-Liège, 1905,
p.205.
55
Peut-être en était-il ainsi depuis les origines, mais le manque de documentation nous interdit de l‟affirmer.
56
C. GODEFROID, op.cit., p.374.
57
Province de Liège, arrondissement de Borgworm.
58
J. STIENNON, Etude sur le chartrier et le domaine de l’abbaye de Saint-Jacques de Liège (1015-1209), Paris,
1951, p.264-265 et 436.
59
Commune d‟Amay, province de Liège, arrondissement de Huy.
60
Entité de Berloz, province de Liège, arrondissement de Waremme.
61
Il s‟agit de la donation au monastère, par une certaine Elimodis et de son fils Jean, de terres allodiales et
féodales sises à Hermalle, Hottine, Ombret, Villers et Borsut.
62
M. EVRARD, Documents relatifs à l’abbaye de Flône, Louvain, 1894, n°3 et 4, p.14-15 et 15-16.
63
Monasticon, t.2, Liège, 1962, p.261.
64
C. GODEFROID, op. cit., p.381.
65
D. VON GLADISS, Die Urkunden Heinrichs IV, t.2, Weimar, 1959, n°470a, p.639.