P. CARRÉ, Les avoueries des églises liégeoises, XI
e
-XV
e
siècles, ULg, 2008-2009
V. Conclusion générale
L‟histoire des avoueries liégeoises peut être divisée en trois grandes périodes. La première
débute vers le milieu du X
e
siècle et coïncide avec le développement de l‟Eglise impériale et
des établissements religieux liégeois. L‟épiscopat de Notger (972-1008) est en effet marqué
par l‟évolution d‟une avouerie unique, englobant vraisemblablement toutes les possessions de
l‟Eglise liégeoise, à un système d‟avoueries multiples. Le phénomène est tout d‟abord
discernable dans les territoires acquis par le prince-évêque. A partir du XI
e
siècle, il s‟étend
avec la dotation progressive des sept collégiales et la fondation de deux nouvelles abbayes,
Saint-Jacques et Saint-Laurent. Il faut néanmoins attendre encore quelques décennies pour
déceler dans les sources l‟instauration du système qui prévaudrait durant les siècles
ultérieurs : avoueries principales pour la cathédrale Saint-Lambert et les abbayes de Saint-
Jacques et Saint-Laurent, avoueries locales pour les domaines des collégiales et de la mense
épiscopale, premières avoueries urbaines. Dans le même temps, de puissantes principautés
territoriales ont vu le jour aux frontières du pays de Liège. Leurs dynastes, à savoir
essentiellement les comtes de Louvain, ennemis héréditaires des princes-évêques, et les
comtes de Namur, ne tarderaient pas à accaparer divers offices proches de leur zone
d‟influence.
Cependant, les avoueries des églises liégeoises n‟allaient pas connaître la même évolution que
dans d‟autres régions telle la France capétienne, où elles tombèrent irrémédiablement sous la
seule influence de l‟aristocratie féodale. En effet, grâce à l‟Eglise impériale, le pays de Liège
était gouverné par un évêque fort capable de s‟imposer comme un contrepoids efficace aux
appétits territoriaux des dynastes. Il connaîtrait certes des échecs dans les zones périphériques,
là où l‟influence de ces derniers était la plus forte, mais dans l‟ensemble le bilan s‟avère
remarquable. Les moyens à la disposition de l‟évêque de Liège sont variés. Doté
d‟importantes prérogatives militaires et judiciaires, il s‟affirme comme le protecteur par
excellence du pays et de ses habitants, libres et non libres, de sorte que le rôle défensif des
avoués s‟en trouve réduit. Ces mêmes compétences lui permettent par ailleurs de s‟imposer
comme l‟avoué de certains établissements religieux sans toutefois encore en porter le nom.
Enfin, dans la plupart des avoueries sises au cœur de la zone d‟influence liégeoise, il parvient
à placer des hommes sûrs qui, en dépit du développement de l‟hérédité des charges, ne lui
causeront que relativement peu de problèmes. Il convient toutefois de garder à l‟esprit que sa
puissance temporelle et spirituelle assure au prélat une action efficace contre d‟éventuels
abus. Ces avoués fidèles à l‟épiscopat, dont on retrouvera souvent les descendants aux siècles
suivants, appartiennent aux lignages comtaux, aux liberi homines voire à la ministérialité.
Cette dernière, qui doit toute son élévation sociale au prélat, est de loin la plus facile à
contrôler, même si on ne la retrouve dans un nombre assez restreint d‟avoueries. Notons que,
toujours dans cette perspective d‟un contrôle efficace, le népotisme figure également de temps
à autre parmi les méthodes des prélats liégeois. Quant à l‟échelon inférieur de l‟aristocratie, la
petite noblesse rurale, il est certainement lui aussi déjà présent, même si les sources n‟en font
état que plus tardivement.
Durant la fin du X
e
siècle et toute la durée du XI
e
siècle, l‟évêque de Liège nous apparaît donc
comme la clé de voûte des avoueries, le meilleur garant contre les exactions. Quant à
l‟empereur germanique dont l‟évêque, faut-il le rappeler, est le représentant, il joue lui aussi
un rôle, mais qui se limite pour l‟essentiel à la nomination des avoués et, dans une moindre
mesure, à la défense des droits des établissements religieux qui connaîtraient quelque
difficulté. Car les dernières années du XI
e
siècle correspondent à d‟importants changements :