
P. CARRÉ, Les avoueries des églises liégeoises, XI
e
-XV
e
siècles, ULg, 2008-2009
fort vraisemblable qu‟il s‟agisse d‟avoués, qui étaient chargés de conduire le contingent
épiscopal auprès du roi.
En ce qui concerne les attributions et l‟étendue de la juridiction de ces avoués des X
e
-XI
e
siècles, nous en sommes réduits à de pures hypothèses. Il est possible qu‟ils aient assuré à
cette époque la protection de l‟ensemble du temporel de l‟Eglise de Liège
45
. Il n‟est pas non
plus exclu que plusieurs avoués, éventuellement subordonnés les uns aux autres, aient exercé
simultanément leurs fonctions. Quoiqu‟il en soit, une seule chose est certaine : si les avoués
furent à un moment les protecteurs de l‟ensemble de l‟Eglise de Liège, ils perdirent ce
privilège ultérieurement, comme nous le montrerons plus loin. On se souviendra que le
tournant des X
e
-XI
e
siècles correspond à un important remaniement dans le patrimoine
ecclésiastique liégeois. Ainsi, l‟évêque Notger entreprit de répartir le domaine de Saint-
Lambert en deux parties : il en conserva deux tiers pour ses propres besoins et en octroya le
tiers restant au chapitre cathédral, aux collégiales et aux abbayes
46
. Il n‟est pas interdit de
penser que ce changement considérable affecta d‟une manière ou d‟une autre l‟institution
d‟avouerie.
2. Les avoués de Saint-Lambert : XI
e
-XII
e
siècles
Avec l‟avoué Wiger, nous entrons dans une période où les données concrètes se font un peu
plus abondantes. C‟est peut-être déjà lui que nous rencontrons en l‟an 1015, comme témoin
d‟une charte de l‟évêque Baldéric concernant la donation d‟un alleu sis à Hanret
47
au profit de
l‟abbaye de Saint-Jacques
48
. Par la suite, nous le voyons régulièrement apparaître dans des
actes s‟échelonnant entre 1029 et 1054.
Parmi ces documents, on citera notamment les célèbres chartes de l‟évêque Réginard au profit
de l‟abbaye de Saint-Laurent dont l‟avoué de l‟Eglise de Liège fut, dès le départ, le protecteur
attitré
49
. Par exemple, vers 1025-1034
50
lorsque Réginard met Saint-Laurent en possession de
l‟église d‟Oteppe
51
, la donation se fait per manum Wigeri advocati
52
. On trouve en outre
mention de Wiger dans trois autres actes, tous datés du 3 novembre 1034
53
et qui font partie
des faux les mieux connus dans l‟histoire de nos régions.
C‟est en 1029 que Wiger apparaît pour la première fois investi du titre d‟avoué de Saint-
Lambert. L‟appellation semble a priori très claire : Wiger serait l‟avoué pour les domaines de
la cathédrale Saint-Lambert. Toutefois, la situation est plus complexe qu‟il n‟y paraît. Dès
l‟époque qui nous intéresse, le ressort de notre avouerie s‟étend à plusieurs domaines de
45
C. GODEFROID, L’avouerie de la cathédrale Saint-Lambert de Liège, dite avouerie de Hesbaye, du X
e
au
milieu du XIV
e
siècle, Le Moyen Age, t.81, p.373.
46
J.L. KUPPER, op. cit., p.435. Il n‟est pas impossible qu‟une mense capitulaire de Saint-Lambert existait déjà au
moment de la réorganisation notgérienne et ce depuis la fin du IX
e
siècle. Cf. à ce sujet, A. WILKIN, Les biens de
la cathédrale Saint-Lambert…, op.cit., p.123-127.
47
Province de Namur, arrondissement de Namur.
48
C.G. ROLAND, Chartes namuroises inédites, seconde série, A.S.A.N., t.27, 1908, p.223-225 Ŕ
A. MARCHANDISSE, L’obituaire de la cathédrale Saint-Lambert de Liège (XI
e
-XV
e
siècles), Bruxelles, 1991,
p.135.
49
Pour davantage de détails à ce sujet, nous renvoyons le lecteur au chapitre consacré aux avoueries de Saint-
Laurent, plus en avant dans ce présent travail.
50
MIRAEUS & J. F. FOPPENS, Opera diplomatica, t.2, Louvain, 1723, p.809-810.
51
Province de Liège, arrondissement de Huy.
52
P. BONENFANT, Les chartes de Réginard, évêque de Liège, pour l’abbaye de Saint-Laurent. Etude critique,
B.C.R.H., t.105, 1940, p.306-366.
53
Ibidem, p.345-348, 348-350, 350-352.