
P. CARRÉ, Les avoueries des églises liégeoises, XI
e
-XV
e
siècles, ULg, 2008-2009
PREMIERE PARTIE – LA MENSE CAPITULAIRE
I. L’avouerie de Hesbaye
1. Les avoués de l’Eglise de Liège : X
e
-XI
e
siècles
C‟est au X
e
siècle que nous trouvons les premières mentions d‟avoués dans les sources
relatives à l‟histoire liégeoise. En effet, en 960, nous voyons apparaître un dénommé Hubert,
dans la liste de témoins d‟un acte, par lequel l‟évêque de Liège Eracle (959-971) accorde un
refuge aux religieux de Stavelot dans sa ville épiscopale
40
. Hubert est de nouveau cité comme
témoin en 963, dans une fausse charte du chapitre de Saint-Lambert, sans doute confectionnée
à partir d‟une liste de témoins du temps d‟Eracle
41
.
Dans un acte de l‟évêque Baldéric daté du 29 novembre 1011, il est fait mention d‟un certain
Hellin. Cet avoué est intervenu directement dans la donation qui fait l‟objet de ce document. Il
est précisé que le transfert de différents biens, au profit de la collégiale Sainte-Croix, s‟est
déroulé par la main de l‟avoué, qui a donc servi d‟intermédiaire légal entre l‟évêque de Liège
et le chapitre de Sainte-Croix
42
.
Comme nous pouvons le constater, un demi-siècle sépare Hubert de Hellin et nous ignorons
tout du destin de l‟avouerie entre ces deux dates. L‟argument avancé par Jean-Louis Kupper
nous laisse cependant supposer que la charge connut entre-temps d‟autres titulaires
43
. Un
document datant des environs de 980 s‟avère particulièrement intéressant à cet égard : il s‟agit
de l‟Indiculus loricatorum, une liste des effectifs que les grands vassaux de l‟Empire devaient
fournir à Otton II à l‟occasion de son expédition d‟Italie. L‟Indiculus indique que l‟évêque de
Liège était tenu d‟envoyer 60 cavaliers lourds, avec à leur tête Hermann ou Immon
44
. Bien
que ces deux personnages ne soient revêtus d‟aucun titre dans le document en question, il est
40
J. HALKIN, C.G. ROLAND, Recueil des chartes de l’abbaye de Stavelot-Malmedy, t.1, Bruxelles, 1909, n° 79,
p.179-180.
41
J. WOLTERS, Codex diplomaticus lossensis…, Gand, 1849, n°22, p.19-20 Ŕ J.L. KUPPER, Liège et l’Eglise
impériale, Paris, 1981, p.249-250 et 276-277.
42
E. PONCELET, Inventaire analytique des chartes de la collégiale de Sainte-Croix à Liège, t.1, Bruxelles, 1911,
n°2, p.2-3.
43
J.L. KUPPER, op. cit., p.449-450.
44
Leodicensis episcopus LX mittat cum Hermanno aut Immone. L. WEILAND, Constitutiones et acta publica
imperatorum et regum inde ab a. DCCCCXI usque a. MCXCVII (911-1197), Hanovre, 1893, n°437, p.633. Il
s‟agit de deux membres influents de l‟aristocratie lotharingienne de l‟époque, les comtes Hermann et Immon. Ce
dernier (934 Ŕ >980) est relativement bien connu. Soutenant tout d‟abord Otton I
er
au moment de la révolte de
Gislebert, duc de Lotharingie (939), Immon changea de politique par la suite, assistant Régnier III dans son
soulèvement contre Otton (954), puis prenant lui-même la tête des Lotharingiens révoltés (959). Cette trahison
lui valut d‟être privé de ses biens et de son titre comtal. Finalement capturé, Immon fut relâché sur garantie de
l‟évêque de Liège, son parent. En admettant que cet évêque soit Baldéric I
er
(955-959), Immon serait également
apparenté aux Régnier, ce qui expliquerait son soutien à leur lutte contre le souverain germanique. Quelques
années plus tard, Immon rentra en grâce et récupéra son titre comtal. Il n‟est donc pas surprenant de le rencontrer
à la tête du contingent envoyé par l‟évêque vers 980. On notera que l‟Indiculus loricatorum constitue la dernière
mention connue du comte Immon. Cf. A. DIERKENS, Un membre de l’aristocratie lotharingienne au X
e
siècle : le
comte Immon, B.I.A.L., t.100, 1988, p.21-32.