
P. CARRÉ, Les avoueries des églises liégeoises, XI
e
-XV
e
siècles, ULg, 2008-2009
Les arrestations nous apparaissent tantôt comme une source de revenus, tantôt comme un
fardeau pour les avoués en fonction des lieux et des périodes. A Thuin, l‟avoué devait ainsi
conduire le coupable en ville à ses frais. De même, à l‟aube de l‟Epoque moderne, l‟avoué
urbain de Saint-Trond
2310
devait assumer les coûts liés non seulement à l‟arrestation, mais
aussi au jugement des criminels. Il n‟était cependant pas le seul, puisque les deux écoutêtes
étaient également mis à contribution. Jusqu‟à une certaine époque, antérieure à 1534, la ville
intervenait elle aussi dans ce domaine, en échange de la moitié des amendes pour coups et
blessures. Dans l‟avouerie de Momalle, terre de Saint-Laurent, l‟avoué se voyait au contraire
rétribué d‟une somme de 2 deniers pour chaque arrestation (1351)
2311
.
Une fois les malfaiteurs appréhendés se posait la question de leur détention en attendant le
jugement et, de nouveau, les avoués étaient mis à contribution. Plusieurs d‟entre eux
remplirent ainsi la fonction de geôlier. Pour ce faire, ils disposaient d‟une prison attachée à
leur office, comme la tour de Morialmé
2312
à Fosses, attestée dès le Moyen Age. L‟avoué de
Fosses devait veiller à la garde des prisonniers, mais les frais qui en résultaient étaient
cependant partagés avec l‟évêque. De même en allait-il dans l‟avouerie du chapitre de Saint-
Lambert à Neer- et Oppiter
2313
(1279) où les frais d‟entretien étaient partagés entre l‟avoué et
le chapitre au prorata d‟un tiers et deux tiers respectivement. A condition toutefois que le
malfaiteur soit pauvre. Dans les domaines ruraux, les édifices attachés à l‟avouerie servaient
aussi parfois de prison, comme à Racourt, bien que les données datent ici de l‟Epoque
moderne
2314
. A Amay, par contre, où un édifice est également attesté sous la forme d‟une tour
des avoués ou « avouerie »
2315
, la prison se trouvait manifestement ailleurs. Si sa localisation
précise n‟est pas connue, on a tout lieu de penser qu‟il s‟agissait d‟une ferme appartenant au
chapitre de Saint-Lambert
2316
, seigneur d‟Amay.
En ce qui concerne le rôle joué par les avoués dans la suite de la procédure, à savoir le
jugement, il n‟est pas plus qu‟ailleurs possible de dresser un tableau général. En effet, les
compétences des avoués liégeois variaient considérablement en fonction du lieu, de l‟époque
et du rang social de ceux-ci. Le fait est particulièrement vrai pour l‟exercice de la haute
justice. Ainsi, les plus puissants des avoués, comme les grands princes territoriaux, parvinrent
fréquemment à s‟emparer de la haute justice. Si cette situation faisait partie des risques
inhérents à l‟avouerie, elle ne peut être considérée comme un aspect normal de l‟institution.
Par ailleurs, du fait de leurs compétences judiciaires extrêmement restreintes, les avoués de la
Cité de Liège et de Hesbaye sont pratiquement à écarter de facto. De même pour la plupart
des avoueries qui furent récupérées à partir des XII
e
-XIII
e
siècles. Leur nouvel avoué, qu‟il
s‟agisse de l‟évêque, d‟un chapitre ou d‟une abbaye, y détenait déjà souvent la haute justice
de par son statut seigneurial.
Reste à examiner la situation qui prévalait dans les autres cas. D‟une manière générale, il
semble que l‟attribution de la haute justice, c‟est-à-dire le droit de juger notamment les crimes
les plus graves passibles d‟une peine de sang, restait relativement rare. Néanmoins, nous
rencontrons au moins deux exemples où l‟avoué détient intégralement cette prérogative : à
2310
F. STRAVEN, op.cit., t.3, p.406-407.
2311
J. DARIS, Extraits..., op.cit., p.227-228.
2312
Concernant cet édifice, voir essentiellement Le patrimoine monumental de la Belgique, vol. 5
1
, p.228 ;
J. LECOMTE, Introduction..., op.cit., p.245-247.
2313
CSL, t.2, n°712, p.307.
2314
J. VANDER EYKEN-LACROIX, Histoire de l’avouerie de Racour, op.cit., p.51-70.
2315
L.F. GENICOT, La vieille tour d’Amay..., op.cit.
2316
L‟édifice porte le nom de « maison de Saint-Lambert ». Cf. CSL, t.4, n°MDCCLVI, p.600.