
P. CARRÉ, Les avoueries des églises liégeoises, XI
e
-XV
e
siècles, ULg, 2008-2009
reste inconnu, informe son supérieur qu‟il a bien reçu des documents qui étaient destinés à un
synode. Hélas, dit-il, il les a reçus trop tard. Néanmoins, cela ne l‟a pas empêché d‟y évoquer
l‟affaire de Tourinne. Ce synode réunissant l‟Eglise de Liège avait eu lieu le 1
er
août 1147, ce
qui nous conduit à situer au plus tard l‟usurpation d‟Eustache durant l‟été de cette même
année.
Finalement, les tentatives de Wibald et des moines demeureront vaines et ils devront
s‟adresser au pape, lors de son séjour à Trèves, en janvier-février 1148
108
, afin d‟obtenir son
intervention
109
. C‟est donc fort vraisemblablement de cette période que date la lettre envoyée
par Eugène III au prélat liégeois
110
. Dans un style bref et concis, le pape souligne que les
usurpateurs de biens ecclésiastiques doivent être châtiés, quand bien même ils sont de statut
social élevé. En conséquence, Henri de Leez se voit ordonner d‟agir instamment à l‟aide du
« glaive spirituel » et de contraindre Eustache et d‟autres pillards agissant de concert avec
lui
111
, à rendre ce qu‟ils ont volé et à renoncer à leurs méfaits. Dans l‟éventualité où ceux-ci
afficheraient du mépris envers cette décision, le pape intime à l‟évêque d‟agir à leur encontre
en vertu du droit canonique, dans les quarante jours suivant la réception de la missive.
Par la suite, il n‟est plus question ni de Tourinne ni d‟Eustache dans les sources relatives au
monastère de Stavelot. Aussi est-il permis de penser que l‟intervention pontificale porta ses
fruits.
Eustache est encore cité à plusieurs reprises dans les années suivantes. Ainsi, en 1150, le
retrouve-t-on dans un acte émanant d‟Henri II de Leez et confirmant diverses donations de
propriétés au profit de l‟abbaye de Flône
112
. Les donateurs déposent symboliquement les biens
concédés dans la main d‟Eustache, qui intervient très vraisemblablement en tant qu‟avoué de
l‟abbaye. Il n‟est en tout cas pas fait mention du titre d‟avoué de Hesbaye. Par la suite, nous le
retrouvons encore en 1155
113
, 1156 et 1159
114
.
Louis, sans doute le fils aîné d‟Eustache de Chiny, intervient dans les sources comme avoué
de Hesbaye à partir de 1163
115
. Nous savons qu‟il avait un frère, également prénommé
Eustache et apparaissant dans une liste de témoins en 1171
116
.
108
Eugène III arrive à Trèves le 29 novembre 1147. Il y réunit un concile et, en janvier 1148, consacre l‟église
du monastère Saint-Mathias. Il se rend ensuite à Reims, pour un autre concile, auquel assiste également saint
Bernard de Clervaux (21 mars). Cf. M.A. DIMIER, art. Eugène III, Dictionnaire d’histoire et de géographie
ecclésiastiques, t.15, Paris, 1963, col. 1349-1355.
109
On notera que cette période fut très difficile pour Wibald, accusé de simonie pour avoir versé une partie du
trésor de Korvei à Conrad III. Pour se tirer d‟affaire, il dut faire appel à ses amitiés à la curie pontificale et
assiéger littéralement le pape durant son séjour à Trèves.
110
J. HALKIN, C.G. ROLAND, op. cit., n°199, p.401.
111
Notamment un certain Macaire de Sougné.
112
M. EVRARD, op.cit., n°20, p.44-45.
113
Document concernant l‟abbaye d‟Heylissem. Il s‟agit une nouvelle fois d‟une donation per manum advocati,
Eustache étant qualifié « d‟avoué de l‟autel de saint Lambert ». Cf. E. DE MARNEFFE, Documents relatifs à
l’abbaye norbertine d’Heylissem, Analectes pour servir à l‟histoire ecclésiastique de la Belgique, t.24, 1901,
p.200.
114
Analectes..., t.1, LouvainŔBruxelles, 1865, p.360.
115
Acte de l‟évêque de Liège Henri II, confirmant une donation. C. STALLAERT, Inventaire analytique de chartes
concernant les seigneurs et la ville de Diest, B.C.R.H., 4
e
série, t.3, p.169.
116
Eustachius, frater advocati Hasbaniae. C.S.L., t.1, n°53, p.89 Ŕ H. APPELT, Die Urkunden Friedrichs I., t.3
(1168-1180), Hanovre, 1985, p.59-60, n°582.