
P. CARRÉ, Les avoueries des églises liégeoises, XI
e
-XV
e
siècles, ULg, 2008-2009
Cependant, en maints endroits, l‟avoué était suffisamment puissant pour continuer à arrondir
ses revenus comme bon lui semblait, sans se soucier de l‟avis des communautés religieuses.
On constate même que certains règlements d‟avouerie devaient consacrer l‟usage, par
exemple à Lens-sur-Geer où le droit du comte de Looz à des tailles et des corvées lors des
plaids généraux se trouve consigné (1310)
2394
. Il semble néanmoins que ce type de stipulation
était moins fréquent que les interdictions.
La nature et la répartition des impôts prélevés variaient fortement. A Pont-de-Loup et Châtelet
(1220)
2395
, la taille de l‟avoué est modulée en fonction de l‟importance du bien, à savoir la
superficie cultivée. Une différenciation entre paysans et manœuvriers était également établie.
A Ciney, vers la même époque, il s‟agissait d‟un impôt par charruée levé à Noël
2396
. De même
les habitants de Liers furent soumis à un charruage jusqu‟à ce que leur avoué alleutier
abandonne sa charge au chapitre cathédral pour la reprendre en charge. Certaines redevances
visaient à libérer les habitants de prestations ou de corvées, comme les patrouilles exigées par
l‟avoué de Ciney. Du XIII
e
siècle à la fin de l‟Ancien régime, les habitants de cette ville
purent ainsi y échapper durant la période de la moisson moyennant le paiement d‟une
rente
2397
.
D‟autres prélèvements fiscaux touchaient les activités commerciales. On citera avant tout le
tonlieu, prérogative dont jouissaient certains avoués urbains et domaniaux. On le rencontre
notamment à Couvin où l‟avoué levait le tonlieu sur les commerçants étrangers se rendant
dans la ville à l‟occasion des foires annuelles. Cependant, cette fiscalité serait strictement
interdite par un record échevinal délivré en 1377
2398
. Dans le domaine de Jupille, le duc de
Bourgogne, Charles le Téméraire, se verrait confirmer en 1471 le droit de lever le tonlieu sur
les marchandises entrant et sortant de Liège par le pont d‟Amercoeur
2399
. Parfois, comme à
Huy, l‟avoué ne prélevait pas directement la taxe, mais recevait une partie du tonlieu imposé
par le mayeur aux bateaux transitant sur la Meuse (1469)
2400
. A Couvin (1301), il existait par
ailleurs un droit de passage perçu par l‟avoué, mais au sujet duquel nous sommes mal
renseignés
2401
.
Quant aux privilèges seigneuriaux concédés aux avoués, ils sont également nombreux. Dans
plusieurs bonnes villes, l‟avoué partage ainsi nombre de ces droits avec le seigneur des lieux,
qui n‟est autre que l‟évêque. C‟est par exemple le cas du droit de chasse à Couvin : seul
l‟évêque et l‟avoué sont ainsi autorisés à entretenir une meute de chiens et à chasser le cerf. Il
en va de même pour la fauconnerie. Un droit de pêche se rencontre dans les avoueries
d‟Angleur
2402
au XV
e
siècle et de Nivelle-sur-Meuse durant l‟Epoque moderne. Certains
avoués, comme ceux de Franchimont
2403
(XIV
e
siècle) et de Couvin (XVI
e
siècle)
2404
peuvent
aussi prélever une partie des essaims d‟abeilles trouvés dans la forêt
2405
. Toujours à Couvin,
2394
Ibidem, n°91, p.95-97
2395
CSL, t.1, n°CXXIV, p.186-187.
2396
CSL, t.2, n°DCCXXI, p.333-355.
2397
E. GERARD, Le canton de Ciney, Dinant, 1953, p27 et 162-163.
2398
DE VILLERMONT, op.cit., p.521.
2399
CSL, t.6, n°1065, p.196.
2400
A.C.H.S.B.A., op.cit., p.247.
2401
S. BORMANS, Cartulaire de Couvin…, op.cit., p.27.
2402
J. DARIS, Extraits…, op.cit., p.181.
2403
J. DARIS, Notices historiques…, op.cit., t.12, Liège, 1885, p.151-152.
2404
S. BORMANS, Ibidem, p.95.
2405
Le droit sur les essaims d‟abeilles semble avoir constitué une prérogative répandue chez les avoués de nos
régions. Pour preuve, elle est également attestée dans certains domaines de l‟abbaye de Saint-Trond, tel
Helchteren. Un règlement de 1261 concernant cette avouerie apporte des précisions intéressantes : la position de