
P. CARRÉ, Les avoueries des églises liégeoises, XI
e
-XV
e
siècles, ULg, 2008-2009
sa liberté de circulation dans la franchise dans le cadre de ses fonctions sont notamment
visées, de même que certains de ses privilèges économiques
2348
.
Couvin constitue d‟ailleurs un cas unique dans l‟histoire des avoueries liégeoises quant à
l‟influence des institutions concurrentes. Car les attributions de l‟avoué, qu‟elles soient
judiciaires ou autres, furent également battues en brèche par le prévôt. A priori celui-ci ne
devait pas menacer l‟avoué, puisqu‟il faisait partie de l‟avouerie elle-même. Le terme prévôt
ou praepositus en latin désignait en effet le lieutenant d‟avouerie, donc un subalterne. Mais,
en raison de son statut social élevé Ŕ il s‟agissait d‟un seigneur important des environs, le sire
de Boussu
2349
Ŕ, de l‟éloignement des avoués
2350
et des prérogatives importantes dont il
jouissait dès le départ, le prévôt finirait par s‟imposer vers la fin du Moyen Age comme le
véritable maître de la ville. Et quand bien même l‟avoué parvint à reprendre le dessus
quelques décennies plus tard (fin XV
e
, début du XVI
e
siècle)
2351
, une cause supplémentaire de
déclin devait faire son apparition.
Ainsi, vers la fin du Moyen Age et le tout début de l‟Epoque moderne, le prince-évêque
nomma un délégué, le bailli, qui devait jouer un rôle important au détriment de l‟avoué. Ne
serait-ce que parce qu‟il lui incombait de veiller à l‟administration de la justice. Bailli et
avoué ne tardent pas à entrer en conflit. Le bailli en sortira effectivement vainqueur puisque,
nous l‟avons vu, la suppression de l‟avoué par l‟évêque dans la seconde moitié du XVI
e
siècle
lui vaudra d‟hériter d‟une bonne part de ses attributions
2352
. On est en droit de se demander si
l‟installation d‟un bailli à Chênée au début du XIV
e
siècle n‟entraîna pas elle aussi le déclin
de l‟avouerie. D‟autant plus que c‟est l‟ancien avoué, Wéry (1361), qui apparaît comme
bailli à compter de 1323
2353
.
11. Droits et revenus : aperçu général
Le droit de ban représentait l‟un des aspects essentiels des prérogatives des avoués
médiévaux. Comme le remarquait Léopold Génicot, c‟est justement à l‟occasion de conflits
liés à l‟avouerie qu‟apparaissent les premières mentions de droits banaux dans la région
mosane
2354
. Le droit de ban permettait en effet aux avoués d‟exiger toute une série de droits
dans les seigneuries ecclésiastiques qu‟ils protégeaient. Certains d‟entre eux semblaient
découler logiquement de leur fonction judiciaire, notamment la rétribution issue des amendes
et le droit de gîte associé aux plaids généraux. Le rôle judiciaire des avoués s‟inscrivait
d‟ailleurs dans l‟exercice du droit de ban. Il en ira souvent ainsi jusqu‟à une période tardive,
comme par exemple dans l‟avouerie de Racourt. Pour rappel, l‟édifice où résidait l‟avoué de
cette localité portait encore à l‟Epoque moderne l‟inscription néerlandaise De Recht Bank
2355
attestant des compétences de ce dernier en la matière.
2348
Voir les records de 1377 et 1450 ; DE VILLERMONT, Ibidem, p.520 ; S. BORMANS, Cartulaire de Couvin...,
op.cit., p.46 n°10
2349
Cf. à ce sujet C. DE VILLERMONT, La seigneurie de Boussu, op.cit.
2350
Durant les XIV
e
et XV
e
siècles, il s‟agissait des sires de Châtillon, en France, qui ne résidaient que rarement
à Couvin.
2351
S. BORMANS, Ibidem, p.LXXXVII
2352
Ibidem, p. p.LXXXV.
2353
JACQUES DE HEMRICOURT, Oeuvres, op.cit., t.2, p.179.
2354
L. GENICOT, Les premières mentions de droits banaux dans la région de Liège, Bulletin de la Classe des
Lettres et des Sciences morales et politiques de l‟Académie royale de Belgique, 5
e
série, LIV, 1968, p.63.
2355
Cf. J. VANDER EYKEN-LACROIX, Histoire de l’avouerie de Racour, op.cit.